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      « La non-violence est plus efficace que la violence »

« La non-violence est plus efficace que la violence »

Les événements récents qui embrasent les banlieues françaises font écho à l’interview accordée à Témoignage ACO par un responsable du Mouvement pour une Alternative Non Violente. Un point de vue intéressant pour tenter de prendre du recul sur une actualité brûlante dans tous les sens du terme.


Patrick Hubert milite au Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN). Il y est mandaté auprès d’ATD Quart Monde. Il promeut la non-violence dans les quartiers et parmi les personnes en situation de précarité. Il explique pourquoi la non-violence est une réponse adaptée à la recherche de la paix.

Comment définissez-vous la non-violence ?

Le mot est offert par Gandhi via le terme sanscrit « a himsa » : il peut se traduire par le refus de faire violence à un être vivant. C’est une déligitimation de la violence, une lutte contre la violence plus qu’un refus de la violence. La non-violence est une exigence philosophique et un principe d’action, tout le contraire de la passivité.

Colombe de la paix lors d’un partage organisé par l’ACO à Tarbes
Action catholique ouvrière

Elle implique de bâtir une stratégie pour atteindre un objectif mais dans le respect inconditionnel de l’intégrité physique et morale de l’adversaire. En général, elle est utilisée pour dénoncer ou résoudre une situation d’injustice. Dans les cas extrêmes, elle peut conduire au risque de mourir plutôt que de tuer. Adopter une attitude non violente demande plus de courage que prendre une arme.

Quelle est l’histoire de ce courant de pensée ?

Gandhi nous a offert ce mot mais il n’est pas le précurseur de la non-violence. Il se référait à des courants de sagesse plus anciens, comme le bouddhisme ou le jaïnisme. Gandhi a aussi été touché par Jésus Christ : il faisait souvent référence aux Béatitudes. En Afrique du Sud, Gandhi a correspondu avec Léon Tolstoï qui développait, sur la fin de sa vie, une philosophie proche de la non-violence. Plus récemment, ce courant de pensée a puisé à d’autres sources : Martin Luther King, les mères de la place de Mai en Argentine … Nous pouvons encore citer les évêques Guy Riobé et Jacques Gaillot. Enfin, n’oublions pas Jean-Marie Muller, cofondateur du MAN, et le général de Bollardière qui a dénoncé l’usage de la torture en Algérie.

Comment est née votre association ?

Jacques de Bollardière a assisté un jour à une conférence de Jean-Marie Müller sur la non-violence. Il est venu lui dire que cela rejoignait sa manière de penser. Et par la suite, il a assuré que le MAN prolongeait sa philosophie. Il s’efforçait toujours de respecter l’ennemi, pendant la 2ème guerre mondiale, puis en Indochine ou en Algérie. Il n’était pas un militaire comme les autres. En 1973, Jean-Marie Muller et Jacques de Bollardière ont participé, avec Brice Lalonde, Jean Toulat et Gilbert Nicolas, à l’expédition du voilier Fri - liberté en Danois - pour tenter de s’opposer aux essais nucléaires à Mururoa.

Galet breton avec la colombe de la paix
Action catholique ouvrière

Le MAN est fondé en 1974. Il naît de l’opposition à la politique nucléaire française et à la politique de défense armée en France. Cette dimension existe toujours dans le mouvement aujourd’hui. Nous avons aussi été très actifs sur la question de l’objection de conscience et de la reconnaissance de son statut, ainsi que dans la lutte du Larzac.

Quelles actions mettez-vous en œuvre pour promouvoir la non-violence ? Avec quelle pédagogie ?

Nous réfléchissons sur les questions de défense. Nous sommes membres du Collectif mondial I Can, titulaire d’un prix Nobel de la paix en 2017, après la signature par 122 pays du traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Le Saint Siège en fut le 1er signataire. La France refuse de le signer et n’a participé à aucune conférence à ce sujet. Si la loi de programmation militaire est mise en œuvre par la France, la part du nucléaire militaire passerait de 5 à 7 milliards d’euros par an ! Dans le Manifeste du MAN, mis à jour en 2021, nous évoquons toutes les formes de violence. Non satisfaction des besoins fondamentaux. Précarisation. Violence au sein des familles, de l’école, des quartiers, des entreprises. Guerres. Violence économique. Atteinte à l’environnement.

Autre volet de notre activité : la pédagogie auprès du public. Nous coopérons avec la revue trimestrielle Alternatives Non Violentes, initiée par le MAN. Nous publions des livres avec la Chronique sociale. L’un des portes paroles du MAN, Alain Réfalo, y a publié 2 livres récents : démilitariser la France (2022) et Le paradigme de la non-violence (2023). De son côté, Jean-Marie Müller a publié une quarantaine de livres, traduits en plusieurs langues. Nous rédigeons des tribunes dans les journaux. Et nous envoyons des communiqués de presse : le dernier en date concerne l’intervention des forces de l’ordre françaises à Mayotte. Certains groupes du MAN organisent des cafés de la non-violence, comme à Nancy. Nous animons des formations à Lyon, Nancy ou Rouen.

Nous avons créé un parcours-exposition, La non-violence, une force pour agir, destiné aux collégiens et lycéens. Plusieurs groupes l’utilisent quand ils sont sollicités par des établissements scolaires car nous avons l’agrément Jeunesse et Sport. Conseillers principaux d’éducation, documentalistes et enseignants font appel au MAN avec l’accord du chef d’établissement. Nous proposons des actions de formation sur divers aspects de la non-violence. Récemment, nous avons formé des militants d’Alternatiba lors de leurs camps d’été sur l’action non violente. Nous organisons tous les 2 ans des forums d’une semaine l’été. Le prochain aura lieu du 9 au 14 juillet près de Rennes : « construisons demain avec la non-violence ». Enfin, nous avons créé les Instituts de Formation du MAN, souvent sollicités par les associations et les entreprises.

Comment analysez-vous la montée de la violence ou de sa médiatisation en France ?

Nous baignons dans une « culture de violence ». Des études sociologiques montrent qu’il y a moins de violence aujourd’hui qu’il y a 50 ans en France. Mais il existe un changement de nature de ces violences : atteintes à l’environnement, terrorisme. Les journaux sont friands des scènes de violence. Et les réseaux sociaux amplifient cela. Nous sommes aussi face à un gouvernement peu réceptif à ce qui se passe. Y compris quand les manifestations se déroulent dans le calme. Cela fait monter la colère, germe possible de violence dans les mois à venir.

Quelles sont les perspectives d’avenir de la non-violence ?

Je pense que nous allons vers un mur. Pour le traverser, la violence n’est pas la bonne réponse. Elle ne sème que la haine. Rien n’est réglé par la violence. L’espoir est que la non-violence aide à construire des ponts permettant de franchir ces murs. La non-violence a de l’avenir car les gens découvriront un jour qu’elle est plus efficace que la violence. Elle préserve un climat de respect entre les personnes.

Propos recueillis par Jean-François Courtille

Contacts : man chez nonviolence.fr – www.nonviolence.fr - Coordinatrice fédérale Maëva Rougé : 06 18 91 78 47

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